Déclaration liminaire CSA-A du 9 février 2024
Monsieur le Recteur,
Par où commencer ?
Les syndicats SUD éducation de l’académie d’Aix-Marseille s’alarment et dénoncent les attaques innombrables contre le service public d’éducation. Contre notre service public d’éducation gratuit, laïc, théoriquement capable d’accueillir dignement toutes et tous, ouvrant la voie à une éducation émancipatrice pour que chaque élève puisse trouver sa place dans notre société. Pour que chaque élève puisse être conscient·e des déséquilibres sociaux et environnementaux, des rapports de domination, des inégalités et des discriminations qui la traversent et qu’iel puisse chercher à construire une société juste et durable.
Depuis l’élection de M. Macron en 2017, l’Éducation nationale et la jeunesse sont érigées en priorités nationales, en « domaine réservé » du président de la République. Elles sont désormais les instruments d’un « réarmement » idéologique qui n’est qu’une fuite en avant vers un modèle réactionnaire et conservateur porté depuis des décennies par l’extrême-droite. Groupes, de niveaux, fin du collège unique, retour aux fondamentaux, uniforme, retour de l’autorité et du redoublement imposé aux familles, faire du Brevet un examen du tri social... Toutes les annonces faites par le président et son premier ministre depuis septembre sont issues des programmes du RN et de Reconquête de 2022. Opportunistes et pas avares en contradictions, elles reviennent sur des engagements concernant l'uniforme et les groupes de niveaux du ministre de l'Éducation nationale, M. Pap N'Diaye, en poste il y a moins d'un an. Avons-nous changé de majorité parlementaire depuis ? Non...
Utilisant les résultats des enquêtes PISA pour justifier son « choc des savoirs », celui qui n’était alors que ministre de l’Éducation nationale aurait pu s’attaquer à un constat répété de ces enquêtes concernant le système éducatif français : la reproduction des inégalités sociales...
Ne pas le faire n’est pas une erreur de stratégie. Ce n’est pas non plus lié à une divergence de vues sur les solutions à mettre en œuvre puisque des études scientifiques permettraient d’avoir un débat éclairé sur le sujet. Non, il s’agit du choix d’un camp qui défend ses intérêts. D'une vision politique globale, capitaliste, individualiste et libérale de l'éducation et plus largement de la société.
Un camp qui préfère financer par l’impôt des établissements privés et pratiquer une forme de retranchement bourgeois en y scolarisant ses enfants, plutôt que d’utiliser l’argent de l’État pour donner les moyens à l’école publique d’être véritablement inclusive en accueillant tous les enfants et en offrant aux personnels qui y travaillent des rémunérations et des conditions d’emploi dignes. Un camp qui préfère participer à l’embrigadement de la jeunesse en dépensant des milliards d’euros pour des classes « défense », un service national universel obligatoire et des uniformes pour les élèves plutôt que de recruter et former des enseignant·e·s, des personnels médico-sociaux, d’orientation et d’éducation qui, seuls, permettraient d’améliorer les conditions d’apprentissage et de travail au sein des écoles et établissements.
Un camp qui, de peur de ne pas être suivi par un service public dont il ne supporte pas les idéaux, aime à renforcer la hiérarchie, l’autorité et la verticalité. Hiérarchie entre élèves avec les groupes de niveaux, l’obstacle à l’entrée au lycée, la réforme des lycées pro. Hiérarchie entre personnels par les rémunérations au mérite, les primes, les indemnités et autres briques de Pacte. Autorité du maître par l’imposition des redoublements aux familles ou en évoquant le retour « d’écoles normales du XXIe siècle ». Verticalité du pouvoir enfin quand il s’agit de réduire la liberté pédagogique des enseignant·e·s en labellisant par exemple les manuels scolaires ou en réformant les programmes...
Un camp qui, tout en se parant médiatiquement des vertus d’un soi-disant combat pour l’égalité entre hommes et femmes, ne sourcille pas à l’idée de multiplier les mesures qui accentuent les discriminations de genre au sein des personnels de l’Éducation nationale : multiplication des primes ou généralisation des formations hors de temps de travail.
Un camp enfin, qui, face aux défis environnementaux qui sont les nôtres, préfère s'enfermer dans un déni inconséquent et soutenir à nouveau à coups de milliards d'euros des Jeux olympiques à Paris en 2024 et dans les Alpes en 2030 qui motivent le bétonnage, les investissements anachroniques (2x2 voies ; installations pour les sports d'hiver) et alimentent une spéculation foncière et immobilière dont les populations les plus précaires sont les premières victimes. Que ce soit dans la rénovation des bâtiments ou dans une réflexion autour des approvisionnements qui permettent de servir des millions de repas chaque jour, l'Éducation nationale pourrait être le moteur de changements propres à nous permettre de collectivement faire face aux défis du changement climatique. Elle ne le fait pas et préfère accepter, comme dans les Hautes-Alpes, que des élèves ne puissent se rendre dans leur école ou ne puissent utiliser leur gymnase en raison du passage du Rallye de Monte-Carlo.
Mme Oudéa-Castéra, en un mois de passage à la tête du ministère, a au moins eu le mérité de refaire du sectarisme et du financement des établissements privés un sujet d’actualité.
Les syndicats SUD éducation de l’académie d’Aix-Marseille revendiquent l’abrogation de la loi Debré, la nationalisation de l’ensemble des établissements privés et dans l'immédiat, le déconventionnement des établissements scolaires privés catholiques Stanislas à Paris.
Les syndicats SUD éducation de l’académie d’Aix-Marseille rappellent leur engagement contre le tri social que consacrent les groupes de niveaux, la réforme de l’enseignement professionnel et l’embrigadement des élèves symbolisés par le SNU et la mise en place des uniformes.
Engagé avec tous les personnels mobilisés depuis le 1er février, SUD éducation les appelle à poursuivre leur lutte pour de meilleurs salaires, de meilleures conditions de travail, une école véritablement inclusive et contre ces réformes rétrogrades.
Plus largement, SUD éducation appelle avec l'Union syndicale Solidaires:
- à rejoindre les luttes des paysan·nes pour un revenu digne et un autre modèle agricole
- à participer massivement aux actions qui auront lieu dans le cadre de la journée internationale de lutte pour les droits des femmes le 8 mars 2024.
- à soutenir les mobilisations en faveur d'une paix juste et durable entre Israéliens et Palestiniens alors qu'aucun cessez-le-feu n'est pour le moment envisagé par l'État d'Israël, que les opérations militaires sur Gaza ont été condamnées par la Cour Internationale de Justice et qu'un enfant meurt en moyenne toutes les 15 minutes à Gaza.
Enfin, les syndicats SUD éducation de l'académie d'Aix-Marseille souhaitent interpeller le Rectorat sur plusieurs situations qui nous semblent extrêmement problématiques et sur lesquelles nous souhaiterions que des réponses soient apportées rapidement :
- Comment comptez-vous mettre fin au manque d'AESH sur le territoire, notamment dans les Bouches-du-Rhône (exemple de l'école maternelle des Chutes-Lavie) ?
- Comment comptez-vous mettre fin aux velléités du maire de Marignane d'armer les personnels de bombes lacrymogènes ?
- Comment comptez-vous rétablir l'égalité de traitement des stagiaires enseignant·es (notamment à l'INSPE 13) : au niveau des différences entre groupes de stagiaires (contenu des animations péda, parcours de formation). D'autre part, des modalités d'évaluation qui changent en cours d'année sans base légale.
- Comment expliquez-vous les différences de moyens accordés aux différents CLA de l'académie ? (notamment les manques de moyens des 4 écoles de la circonscription de Cavaillon inscrites dans un CLA : temps de formation, IMP, crédits pédagogiques, personnels).
- Louant régulièrement la qualité du dialogue social en instances, comment expliquez-vous le refus adressé aux organisations syndicales qui souhaitaient débuter la dernière CCP-A AED-AESH par la lecture de déclaration liminaires ? Ce rejet de l'expression de personnels qui sont déjà maintenus dans la précarité par l'administration ne peut être interprété que comme un nouveau signal de mépris inacceptable.